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organisée par Elisa Andretta (CNRS-LARHRA) et Raphaël Morera (CNRS-CRH) à la MSH Lyon St-Etienne, 14 av. Berthelot 69007 Lyon, Salle André Bollier (rdc)

 

Les fleuves européens sont des objets d’histoire désormais anciens et légitimes. Leur importance économique et politique, voire stratégique et culturel, sont mis en valeur de longue date. Dans l’historiographie française, chaque fleuve bénéficie ainsi d’un regard spécifique. Le Rhin de Lucien Febvre constitue un jalon important dans sa capacité à confronter regards historique et géographique. Écrit dans les mêmes années par Joël Le Gall, Le Tibre, fleuve de Rome s’attache quant à lui à mettre en perspective le rôle du Tibre dans l’essor de l’Urbs. L’évolution de l’historiographie des fleuves s’est par la suite modelé sur la différenciation progressive entre les deux approches jadis complémentaires de l’histoire et de la géographie. L’histoire des levées de la Loire de Roger Dion, parue en 1961, jette les fondements de la géo-histoire en s’attachant à comprendre les grandes étapes de construction du fleuve et de transformation du fleuve. De leur côté, les historiens ne se sont de nouveau emparés du sujet que dans les années 1990, certes par le prisme spatial, mais surtout par à la lumière des enjeux économiques et culturels. Les ouvrages d’Isabelle Backouche et de Jacques Rossiaud, incomparables dans leurs formes et leurs contenus, sont les marqueurs les plus frappants de cette évolution.

            Mais ces grands fleuves n’ont pas été passés au crible de l’histoire environnementale qui le considère davantage les cours d’eau en tant que tels et moins comme des supports de l’activité humaine. Pour Donald Worster, fleuves et rivières sont bien plus analysés comme des victimes subissant le développement des activités économiques humaines. Les besoins de l’industrie et de l’agriculture dégradent en effet fortement le fonctionnement des hydro-systèmes. De manière comparable à political ecology, l’histoire environnementale s’attache bien à saisir comment les sociétés ont modelé les hydrosystèmes et ce faisant, ont créé du risque. En ce sens, l’histoire des fleuves ne peut plus être une histoire de conquête et de domestication au service de la production, mais doit prendre en considération le point de vue des cours d’eau eux-mêmes, à l’image des approches de Chloé Deligne ou de Milja van Tielhof.

            L’ambition de cette journée d’étude consistera donc à confronter les acquis d’une histoire héritée aux enjeux posés non seulement par les défis environnementaux contemporains mais aussi par les questions spécifiques de l’historiographie, dans le cadre spécifique de l’époque moderne. Entre les XVIe et XVIIIe siècles, les fleuves prennent une importance politique nouvelle en ce qu’ils deviennent plus clairement non seulement des axes au sein de territoires économiques mais aussi de territoire de souveraineté. Ils deviennent des enjeux pour les États qui n’ont pas les moyens de les gouverner et ne les connaissent pas vraiment. Il s’agira ainsi de comprendre comment les États s’approprient ces éléments naturels pour les intégrer dans leur domaine de compétences. Pour ce faire, nous nous interrogerons sur la constitution des savoirs liés aux fleuves et des fleuves en tant qu’objets de connaissance, afin notamment de comprendre ils sont par ce biais devenus des objets de pouvoir. Ce questionnement sera conduit par le croisement des approches, politiques, administratives et scientifiques. L’échelle européenne s’impose pour apprécier la circulation des savoirs mais aussi des modèles de gouvernance.

 

Voir programme détaillé dans l’affiche jointe