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Croisant histoire de l’art, histoire des idées politiques, histoire comparée des formes symbolique, ce livre a pour objet la représentation de la souveraineté du peuple dans le cadre des régimes républicains en Europe et en Amérique latine au milieu du XIXe siècle.Longtemps confortées par une interprétation chrétienne qui voulait ne voir qu’un seul monarque dans les Cieux, les catégories de la pensée politique forgées par Aristote ont imposé l’idée que le pouvoir royal ou princier avait pour lui l’évidence de la nature et la force d’une incarnation. Le Prince, le Roi ou le Tyran, étaient la forme visible du pouvoir. Celle-ci pouvait alors se prêter facilement à d’infinies stratégies de représentation et de célébration dont l’histoire et l’histoire de l’art se sont emparées très tôt.Mais quelle forme visible donner non au pouvoir d’un seul, mais au pouvoir du plus grand nombre, c’est-à-dire aux démocraties ? Comment donner à voir ce qu’est la République, régime caractérisé par le libre choix de la forme du gouvernement mais aussi des gouvernants, dont la souveraineté est souvent partagée, contrôlée, provisoire et dont l’autorité ne vaut que pour autant qu’elle rencontre l’assentiment de ceux sur qui elle s’exerce par la loi, le peuple ? Comment signifier en même temps l’exaltation de la liberté et la soumission volontaire de chacun à la loi ?L’historiographie s’est beaucoup concentrée sur la figure de Marianne, au risque d’exagérer la singularité irréductible du modèle français et de son inventivité figurative. Certes, la décapitation symbolique et physique de la monarchie en 1793 a entraîné d’importantes transformations artistiques qui ont eu pour ambition de rendre visibles la nouvelle organisation des pouvoirs, le sacre du peuple et des masses, mais aussi l’unité de la Nation à travers des symboles, des allégories, des architectures qui sont encore en partie les nôtres (bonnet phrygien, faisceaux de licteurs, amphithéâtre pour les assemblées etc.). Mais ces stratégies visuelles n’ont rien de nécessaire, d’universel, d’immuable : d’autres expériences républicaines s’en dispensent ou les associent à un langage figuratif original, comme dans les Républiques d’Amérique latine qui cherchent à la fois à reprendre les formes figuratives de la Révolution française et à les combiner avec des éléments originaux qui évoquent leur histoire, leur population. Ce livre propose la première enquête systématique sur les images, symboles, emblèmes et allégories des régimes démocratiques dans l’esprit d’une histoire transnationale des idées politiques et des stratégies visuelles. Il débouche en cela sur une interprétation neuve de l’efficacité politique des images en contexte démocratique.