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Initialement prévu à la MSH-Alpes, le colloque aura lieu en visioconférence, au lien suivant :

https://meet.univ-grenoble-alpes.fr/b/ire-h3n-3td

Le détail du programme ainsi que les modalités pour se connecter se trouvent dans l’affiche en pièce jointe

 

 

Comité d’organisation

Irène Favier (LARHRA, Université Grenoble Alpes), Lissell Quiroz (ERIAC-IRIHS, Université de Rouen Normandie)

 

Institutions partenaires

LARHRA, ERIAC, IRIHS, Institut des Amériques, MSH Paris Nord

 

Comité scientifique

Claudia Agostoni (UNAM, Mexique), Isabelle von Bueltzingsloewen (Université Lyon 2, France), Paulo Drinot (UCL, Royaume Uni), Rafael Huertas (CSIC, Espagne), Jennifer Lambe (Brown, Etats-Unis), Jorge Lossio (PUCP, Pérou)

 

Présentation

La santé suscite un intérêt croissant dans les sciences sociales américanistes, entendues dans leur acception hémisphérique incluant Amériques du sud, du nord et l’espace caribéen. En Amérique latine, la recherche a bénéficié du renouveau de l’histoire des sciences et de la santé depuis deux décennies, notamment à partir du Brésil où est fondée, en 1994, la revue Manguinhos, História, Ciências, Saúde. Tournée dans un premier temps vers l’histoire sociale de la santé publique et la dimension culturelle de la médecine, la production scientifique de la région en histoire de la santé envisage désormais l’aspect politique voire biopolitique de la médecine. Le cas du Pérou offre un exemple de ces renouvellements, quoiqu’encore récents : des initiatives ponctuelles et des questionnements novateurs émergent dès les années 1990. L’une des entrées privilégiées est celle de l’histoire des pathologies et des épidémies au XXe siècle. Si les recherches sont encore à leurs débuts en ce qui concerne les branches de la médecine occidentale en lien avec la santé des femmes (l’obstétrique, la gynécologie et la pédiatrie), les travaux de Marcos Cueto ont constitué la santé en fait social incombant légitimement aussi aux sciences sociales, dans une perspective diachronique, continentale et globale. Ainsi ces travaux peuvent-ils se comparer à ceux de Sylvia Chiffoleau sur les médecins égyptiens ou sur la construction d’une action publique internationalisée en matière de santé.

 


La santé fournit donc aux SHS un objet pluridisciplinaire d’analyse des sociétés contemporaines pertinent — au point qu’elle a donné naissance à un champ d’études propres sur certains campus états-uniens, celui des « humanités médicales » — et suscite une production de sources variées (articles scientifiques, rapports institutionnels, dossiers de patients, registres d’entrée, documents issus de procès, presse, entretiens oraux, littérature médicale), dont la prise en compte a participé du renouvellement de son étude. L’histoire de la médecine s’est désormais élargie à l’histoire de la santé, et entend faire une place plus large aux documents attestant autant des pratiques que des discours, et nourrir un souci plus grand de la perspective du/de la patient.e que celui que lui réservait l’exclusif prisme praticien, caractéristique d’une « historiographie de bronze », selon la formule de Cristina Sacristán à propos de l’histoire de la psychiatrie, et marquée par un agenda historiographie exclusivement endogène à la profession.
La définition du terme même de santé s’en trouve élargie au-delà de son strict sens médical : on y entend désormais un ensemble de pratiques sociales qui ne tiennent pas nécessairement pour acquises l’autorité ni l’unicité des instances médicales. C’est le cas de la vaccination dans les espaces dits occidentaux, dont le caractère consensuel s’est trouvé par moments écorné ; de la gestion de la maternité dans certains espaces qualifiés de périphériques, où entrent tantôt en collision tantôt en négociation les savoirs dits modernes et les savoirs dits traditionnels ; ou encore de l’épisiotomie, devenue objet de débat dans ces deux types d’espace.

 

Une première journée d’études américaniste, qui s’est tenue à Rouen et à la MSH-Paris Nord en septembre 2019, a permis de dresser le constat que cet objet « santé » entrait en résonance avec les problématiques formulées autour de la notion de soin, revisitée à la fois par les sciences sociales ces dernières décennies et par de récents mouvements sociaux, survenus dans les espaces américains et européens. Cette première journée s’est également attachée à rendre compte de l’usage de l’outil intersectionnel pour aborder ces thématiques, et à débattre de la pertinence du prisme féministe et décolonial pour rendre compte des logiques inhérentes à l’instauration — contestée, revendiquée, non linéaire — d’un ordre médical dans lequel se jouent des définitions non consensuelles de la modernité. Par exemple, si les travaux de Mounia El-Kotni sur les sages-femmes au Mexique ont conclu à l’imposition d’un ordre excluant par l’Etat mexicain au début du 21ème siècle, ceux de Norah Jaffary sur le Mexique au tournant des époques coloniale et républicaine suggèrent une moindre omnipotence de l’Etat sur les corps féminins et une distribution moins nette des rôles entre médecins et sages-femmes. Au final, ces travaux incitent à se saisir de la santé comme un objet permettant d’examiner les visages de l’Etat sur une moyenne durée.

 

Le second temps de ces échanges scientifiques prendra la forme d’un colloque international, organisé à la Maison des Sciences de l’Homme à Grenoble les 18 et 19 novembre prochains. II entend poursuivre ces réflexions sur le rôle de l’Etat dans la mise en place des politiques publiques de santé. On s’intéressera aussi aux contestations dont ces politiques ont fait l’objet, soit en raison de leur interventionnisme (dépossession des savoirs qualifiés de traditionnels) ou de leur insuffisance (revendication d’une prise en charge plus intégrale et équitable). On pourra ainsi s’y interroger sur les mutations de la « main gauche » de l’Etat, dans le cadre néolibéral contemporain, leur genèse et leurs contre-exemples historiques. Après une première journée consacrée aux présentations scientifiques, dans un cadre pluridisciplinaire ouvert aux diverses sciences sociales, ce colloque entend également ouvrir un espace d’échanges avec la société civile et entamer un débat, prenant en compte la dimension internationale des circulations de notions qui — c’est le cas de l’expression « violence obstétricale » par exemple — doivent beaucoup aux espaces latino-américains et voient leurs significations évoluer à la faveur de ces mêmes circulations.