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co-organisée par : D. Brancher et R.  Mandressi et E. Andretta

à la résidence du Collegium de Lyon, site Descartes de l’ENS Bâtiment D6 (rez-de-chaussée)

 

Cette journée d’études souhaite porter un regard interdisciplinaire sur la figure du médecin malade ou au sens étymologique mal-sain, en travaillant à la croisée entre pratiques et représentations. Le dialogue fructueux entre littéraires et historiens permettra d’approcher la complexité d’un état ou d’un statut à la fois physiologique, social et scripturaire, rarement mis à l’honneur dans la littérature critique.

 

Cette rencontre à vocation pluridisciplinaire s’articulera autour de trois axes :

 

1. La tabou du médecin mal-sain : déontologie et pratique médicale

On se demandera quelle est la place réservée au corps du médecin dans l’exercice de sa pratique, ce qu’il affiche ou est tenu d’afficher, et à l’inverse ce qu’il doit omettre ou censurer. L’intégrité de son corps semble en effet exigée sur le plan institutionnel et statutaire, ainsi que dans le rapport avec les autres professionnels de la santé. Cet impératif recouvre une dimension aussi bien déontologique que thérapeutique, les miasmes du médecin étant susceptibles d’affecter dangereusement la santé du patient et d’avoir des effets négatifs sur ses passions en vertu du principe de l’action à distance.

 

2. La maladie du médecin, ses usages et ses fonctions : autopromotion ou dénigrement

On examinera les fonctions antagonistes que peut assumer la figure du médecin malade dans les représentations, fonction tributaire à la fois du type de discours en jeu, du domaine sanitaire et de la nature de la maladie. Une affection peut s’avérer dégradante, quand elle suppose par exemple des comportements dépravés (la vérole), ou au contraire anoblissante, lorsqu’à l’instar de la mélancolie, elle brouille la limite entre personne malade et personne exceptionnelle.

 

  1. En mettant en avant sa maladie, le médecin peut travailler à son autopromotion, qu’il vante son talent thérapeutique dont il a lui-même bénéficié, ou sa capacité empathique à mieux comprendre le malade pour avoir passé par les mêmes affres. Il peut aussi se targuer d’un privilège spirituel, s’il a été guéri miraculeusement, par élection divine.

 

  1. En dénonçant la maladie des autres praticiens, le médecin peut chercher à attaquer leur réputation dans la littérature polémique, qui s’inspire peut-être de certains arguments de la tradition contra medicos.

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3. Le corps malade du médecin comme objet d’étude : réflexivité et investigation

On se demandera si un médecin de la première Modernité peut faire de son corps son propre objet d’étude.

 

  1. On interrogera les avantages et problèmes impliqués par l’auto-observation de ses propres symptômes. La coïncidence du sujet et de l’objet offre-t-elle des conditions d’observation idéales, ou au contraire menace-t-elle de biaiser les résultats, par le manque de distance critique et physique ?

 

  1. On examinera les modes d’intervention et de transformation de son propre organisme, qu’il s’agisse de l’ouverture de son propre corps, en une forme inédite d’auto-vivisection, d’auto-expérimentation (ingestion de substances, par exemple des poisons), d’automédication (administration de médicament).

 

  1. On considérera enfin les modalités spécifiques du travail d’auto-représentation par le médecin de son corps malade, qu’on peut considérer comme une forme d’expérimentation, de reconfiguration voire de création discursive de soi. Il s’agira de mesurer ici la spécificité de divers corpus (traités, correspondances, journaux).

 

Ce travail de réflexion commune voudrait finalement ouvrir sur des questionnements plus larges.

  • Quel est le rôle de la réflexion menée par les médecins sur leur propre corps dans le développement des écritures de soi des patients profanes ? Dans quelle mesure ce discours des médecins a pu rendre possible ou servir de modèle (contesté) à des textes comme celui de Montaigne et Cornario ?

 

  • Est-ce que la coïncidence du sujet de l’observation et de l’objet observé soulève un problème thématisé dans les textes de la première Modernité, ou la difficulté à étudier son propre corps n’est-elle rien d’autre qu’une projection anachronique ?

 

Cette journée d’études touche à des questions d’actualité cruciales et l’on souhaiterait les mettre en perspective sur la longue durée et interroger leur rapport avec le présent. Comment ces mêmes questions se posent-elles aujourd’hui ?

 

affiche et programme joints