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L’expression « Nos ancêtres les Gaulois » a longtemps fait partie de l’histoire de France pour définir les origines de la nation. Le roman national a débuté pendant des décennies par ce lever de rideau qui présentait ces lointains ancêtres intelligents mais bagarreurs, joyeux mais buveurs, braves mais désunis, ces glorieux vaincus. Au-delà de son apparente simplicité et de son illusoire évidence, l’expression pose de nombreux problèmes historiques et épistémologiques comme tout discours sur les origines. L’affirmation ne relève pas de la génétique que de l’histoire culturelle et révèle une conception de l’identité et de la nation. C’est ce qui apparaît lorsque l’on confronte les écrits universitaires du grand historien Ernest Lavisse avec ses célèbres manuels scolaires, les Petits Lavisse. On observe alors une fabrique des ancêtres dans un usage politique et moral de l’histoire. Car il s’agit bien de faire la nation, et c’est à l’École qu’elle se forge. Il faut donc s’intéresser au façonnage de « Nos ancêtres les Gaulois », au choix et aux silences des discours scientifiques et scolaires. Instituteur de la République, Ernest Lavisse a fabriqué de sa plume, dans les forges gauloises de la nation, l’un des personnages historiques majeurs dont la IIIe République naissante avait besoin. Cette histoire des savoirs montre que le discours des origines se révèle être un discours sur le présent qui prend la voix du passé.