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On connaît la célèbre formule prononcée par Gambetta : « L’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation ». En effet, pendant la Troisième République, dans plusieurs colonies, l’administration collabore avec les missions catholiques, tandis que les populations locales se tiennent à l’écart des débats. La situation semble bien différente aux Antilles françaises, où la bourgeoisie de couleur qui s’empare des leviers politiques durant les années 1870-1880, tente, avec l’appui du pouvoir civil, de promouvoir les valeurs laïques. Préoccupée par la formation des futurs électeurs, la nouvelle élite s’attaque notamment à l’enseignement congréganiste. On trouve une situation assez comparable en Haïti, qui n’est plus administrée par la France depuis 1804, mais qui conserve des liens culturels étroits avec son ancienne métropole. Dans la jeune « République noire », les élites dirigeantes dénoncent d’autant plus aisément les empiétements du clergé catholique, que les prêtres ont presque tous été recrutés à l’étranger. Cette étude montre comment l’anticléricalisme républicain s’est implanté aux Antilles francophones. Elle attache une importance particulière au discours, perceptible notamment au travers de la presse locale. Se pose la question de savoir si l’anticléricalisme antillais constitue une simple reprise des attaques lancées en France, ou s’il comporte des débats spécifiques. On se demandera en outre si les enjeux ou les expressions de la lutte contre le cléricalisme varient d’une île à l’autre.Agrégé et docteur en histoire, Philippe Delisle est maître de conférences à l’Université Jean Moulin – Lyon 3 et membre de l’UMR 5190 LARHRA. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’évolution religieuse et culturelle de la Caraïbe.