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À la fin du XIXe siècle, la figure de l’artiste voyageur, arpentant les routes et multipliant les déplacements afin de renouveler les sujets et les caractéristiques stylistiques de son art, deviendra l’image même de la modernité ; elle s’opposera à l’ancienne conception de l’artiste sédentaire, rivé à un lieu, défini par son appartenance à une classe professionnelle et soumis à la reproduction des modèles canoniques. L’identification des artistes aux vagabonds et aux bohèmes obtiendra une reconnaissance officielle en étant encouragée par tout un système de récompenses publiques qui incitait les artistes à courir les chemins. Le Prix du Salon et les bourses de voyage permettent de poser la question de l’engagement de l’État dans la formation et le soutien des artistes dans le dernier quart du XIXe siècle. Ces récompenses officielles mettent en lumière la spécificité des arts du dessin qui surent attirer une part importante du budget de l’État dévolu à la politique culturelle. Le patronage officiel marque également une conception nouvelle de la nature des oeuvres d’art et révèle une nouvelle image de l’artiste. En envoyant à l’étranger des jeunes artistes pour parfaire leur formation, l’État assimilait l’artiste à un être indépendant qui ne devait répondre que de sa seule fantaisie. En ne leur imposant plus le pèlerinage rituel à Rome, capitale de la Tradition et conservatoire des modèles canoniques, il ouvrait le champ des références stylistiques et encourageait le libre choix des paradigmes artistiques. En incitant les artistes au vagabondage, il reconnaissait la place prééminente que le paysage avait acquise dans la production artistique, au détriment de la peinture d’histoire. Cette étude, en revenant sur l’histoire des récompenses décernées par la IIIe République aux peintres et aux sculpteurs, pose la question des conditions d’existence d’un art républicain officiel.