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RÉSUMÉ DE LA THÈSEMa thèse questionne le lien entre, d’une part, les parcours migratoires des familles arméniennes chassées sur les routes de l’exode par les persécutions menées par l’Empire ottoman puis par l’état Jeune-Turc dans l’ensemble des territoires qu’ils contrôlent (partie 1) et, d’autre part, les parcours scolaires des enfants nés au sein de ces familles, qu’ils soient eux-mêmes migrants ou non, dans le système scolaire français qui les accueille (partie 2). La route de l’exil s’organise en plusieurs vagues qui sont celles des survivant-e-s du génocide puis de celles et ceux qui fuient les conséquences de la Révolution russe. Une partie des réfugié-e-s sont dans des camps de la côte méditerranéenne, bientôt partie des protectorats français de Syrie et du Liban. Des familles font aussi étape dans les anciennes possessions ottomanes des côtes grecques. Mon étude montre comment la majorité des réfugié-e-s étudié-e-s sont issus des régions anatoliennes rurales et pauvres. Les trajectoires géographiques s’organisent au gré des contrats de travail signés dans les camps de transit des protectorats Pour le groupe étudié, la route de l’exil conduit à Marseille, où plusieurs camps (Mirabeau, Victor Hugo et Oddo) l’accueillent. Très souvent, l’itinéraire, qui a abouti dans la cité drômoise, n’a pas été direct depuis le débarquement des réfugiés à Marseille, mais jalonné d’étapes, qui sont autant de révélateurs de situations individuelles variées avant l’installation à Valence, définitive pour de nombreuses familles. Comme en témoignent les lieux de naissance de leurs enfants successifs, les familles vont de petits bassins industriels en petits bassins industriels, dans des secteurs difficiles, peu pourvus en main-d’œuvre. La remontée de la vallée du Rhône aboutit à Valence. C’est en 1922 ou 1923 (selon les sources) que les premiers réfugiés arrivent à Valence. D’autres leur emboîtent le pas, plus densément, à partir de la Grande crise, qui touche de plein fouet les petites industries ardéchoises et drômoises.Mon étude trace ensuite les parcours scolaires, en les organisant en deux parties chronologiques : 1923/1929 et 1929/1939, des Arménien-ne-s, migrant-e-s, souvent né-e-s sur les routes de l’exil, ou enfants de migrant-e-s nés en France. Ainsi, les structures d’accueil « périscolaires » sont étudiées, partagées entre associations communautaires et patronages laïques et catholiques. Les « écoles arméniennes » du jeudi, de Marseille à Valence, tentent de maintenir le contact entre les enfants et la culture arménienne (alphabet et lecture, catéchisme) et sont relayées par un dense réseau associatif, des scouts arméniens à l’Union sportive arménienne orphelin majeur. Par ce réseau associatif, l’enjeu est de renforcer la diaspora tout en empêchant le « désœuvrement » des jeunes déraciné.es.Les modalités même de l’accueil des enfants arméniens dans les écoles sont ensuite étudiées. Si la préscolarisation progresse pour les Arménien-e-s né-e-s en France, l’accueil des enfants migrants se fait avant tout en cours préparatoire, et ce quel que soit leur âge, les sources orales évoquant alors « l’humiliation » subie par ces jeunes de 14 ans scolarisé-e-s chez les petits, et leur abandon parfois rapide de l’école. Les redoublements sont aussi fréquents pour mieux apprendre la langue française avant qu’une classe spéciale ne soit créée en 1929, ce qui entraîne également les sorties tardives à 14 ou 15 ans, mais aussi les scolarités parallèles, assurée à l’école primaire le jour et dans les cours professionnels le soir, pour permettre aux jeunes adolescent-e-s d’apprendre le français mais aussi de recevoir un début d’enseignement professionnel. Si une bonne partie sort du système scolaire pour entrer sur le marché du travail, d’autres, peu nombreux (deux à trois par an) se dirigent vers l’EPS, sans forcément terminer leur parcours. Les filières empruntées débouchent sur les brevets, industriels et commerciaux, et sur les CAP, diplômes encore rares distinguant de fait une petite élite scolaire dont l’insertion professionnelle sera facilitée. Les Arménien-ne-s se concentrent dans quelques spécialités : ajusteurs, tailleur-e-s, employé-e-s de bureau, comptables. A la fin des années 1930, les parcours scolaires des jeunes Arménien-ne-s se sont quelque peu allongés, dans le technique et non dans le secondaire dit « classique ». Enfants des classes populaires, les centaines d’élèves d’origine arménienne marchent sur les traces de leurs parents et deviennent ouvriers, ouvrières et artisans, les hommes le plus souvent artisans et les femmes ouvrières.